Publiée le 6 janvier 2025

Actualité

Trésor d'archéo

Des fouilles archéologiques mettent au jour un bénitier et divers éléments de vaisselle de table à La Rochelle, datant du XVIIe siècle.

© AD17

Objet du mois  

Un bénitier parmi la vaisselle

Date et lieu de la découverte  

Novembre 2024, ancienne caserne Chasseloup-Laubat à La Rochelle  

Datation de l’objet  

Seconde moitié XVIIe siècle

Par qui ?  

Le Service d’Archéologie Départementale  

Le bénitier : objet de dévotion 

Le bénitier découvert à La Rochelle est un modèle dit d’applique, c’est-à-dire qu’il est destiné à être accroché au mur à l’aide d’un clou (ou deux, en fonction des modèles). La plupart des exemplaires mis au jour au cours de fouilles archéologiques représentent la Crucifixion (image ci-dessous).

Bénitier en terre vernissée de La Chapelle des Pots, ©Alienor.org, Musées de la Ville de Saintes

L’exemplaire découvert à La Rochelle illustre une autre image d’Epinal du culte catholique qu’est la Vierge à l’Enfant (image ci-dessous) Elle est ici représentée couronnée et revêtue d’une tunique longue, portant sur le bras gauche l’Enfant Jésus (dont la tête est fragmentaire), qui semble nu. De part et d’autre, sont évoqués deux personnages plutôt masculins (des apôtres ?) sous une arcature stylisée. Des rouelles figurent au-dessus et au-dessous de ces personnages et le pourtour de la plaque est orné d’un décor tressé. Le tout est revêtu de glaçures de différentes couleurs (marron, vert et jaune). Sous les pieds de la Vierge, est visible l’amorce de la petite vasque qui contenait l’eau bénite.

Bénitier de chevet mis au jour lors du diagnostic archéologique de la Caserne Chasseloup-Laubat, La Rochelle, SAD17


Au Moyen Âge comme à l’époque moderne, l’usage du bénitier n’était pas exclusivement restreint au sein de l’église, car les fidèles étaient autorisés à emporter de l’eau bénite dans une bouteille à leur domicile. L’eau bénite était réputée guérir et protéger des maladies et était aussi employée dans les rituels chrétiens d’accompagnement des mourants.
Pour la dévotion personnelle, le bénitier de chevet pouvait être accroché dans la chambre, servant de support au rameau de buis ou au chapelet. Dans d’autres cas, il était suspendu dans l’entrée pour que les invités puissent se signer en arrivant dans la maison. 
Cet exemplaire rochelais du XVIIe siècle représente donc le rarissime témoignage d’un geste privé de dévotion catholique, au sortir d’une période d’affrontements entre catholiques et protestants. Tout l’intérêt de cet objet réside dans le contexte historique du siège de la ville protestante et de sa reconquête par les troupes royales catholiques.

Les objets : un bénitier et divers éléments du vaisselier

Au cours de ce diagnostic, plusieurs centaines de tessons de céramique ont été exhumés des couches archéologiques : des éléments de vaisselle de table, des assiettes avec diverses glaçures et décors, des gobelets, des petits pots à onguent, des écuelles avec oreilles de préhension à décor moulé, des navettes (céramiques de forme oblongue permettant de disposer des épices ou d’autres condiments sur la table).

Lot de vaisselle provenant des couches archéologiques de la tranchée 4, Caserne Chasseloup-Laubat, La Rochelle, SAD17


En complément de cette vaisselle de table, un certain nombre de pots à cuire, de couvercles servant à la cuisson des aliments, ont été mis au jour. Les formes à sucre (cônes et pots à mélasse), tout comme les céramiques importées (grès allemand, normand, faïence, céramique des Flandres, etc…), témoignent de l’activité portuaire et commerciale de la ville de La Rochelle. 
Parmi tous ces tessons de vaisselle de table et utilitaire, se distingue un bénitier personnel en argile blanche. Le décor moulé représente une Vierge à l’Enfant accompagnée de deux autres personnages dans un cartouche, tandis que le récipient destiné à contenir le liquide s’insère dans la partie inférieure de la plaque moulée. 

Contexte de la découverte 

Un diagnostic archéologique a été réalisé en préalable aux futurs aménagements de l’ancienne caserne Chasseloup-Laubat, près de la Porte Dauphine, à La Rochelle. La parcelle étudiée est située entre le bastion de Lorge et la porte Dauphine, à l’arrière de la courtine de la fortification datant de la fin du XVIIe siècle. Les tranchées qui ont été ouvertes ont livré peu de vestiges, à l’exception de celle située sur le talus qui faisait la jonction entre le bastion de Lorge et la courtine. Cet espace hors la ville était utilisé comme une zone de rejet domestique au Moyen-Âge. Cette vocation est perpétuée après le siège de 1628 lorsque la reconstruction de la fortification exige de la part des rochelais un apport de terre considérable pour en constituer les talus. Pendant toute la deuxième moitié du XVIIe siècle, la gorge du bastion est donc utilisée comme dépotoir par les habitants. Ainsi au début du mois de mai 1672, les propriétaires de domaines situés à Lafond (à La Jaudon) et non des moindres (conseiller du roi au Présidial, les Augustins, les religieuses de la Providence...) se plaignent que "... divers particulliers portent et font traisner des boeufs, chevaux et bestes mortes, harens et poisson pourris et gastés, ce quy infecte lesdits lieux et les maisons ou résident lesdits supplians..." Ils demandent que l'interdiction soit prise de "... faire traisner aucunes bestes mortes, poisson gasté et autres immondices dans les fossés et authour des dhommaynes, maisons, clos et jardins desdits supplians..." sous peine d'une amende pour les contrevenants.