Publiée le 21 décembre 2023

Actualité

Trésor d'archéo : des plantations utiles, mais à quoi ?

Non ! Ce n'est pas une fosse pour enfouir les déchets mais cette fosse servait à planter un jeune arbre. En effet, les arbres qui étaient plantés constituaient une meilleure défense que les maçonneries en pierres et en briques pour les remparts de Brouage.

© Departement17

Objet du mois 

Fosses d’arbres

Date et lieu de la découverte 


Juillet 2023 à Marennes-Hiers-Brouage 

Datation de l’objet 

Vers 1688

Par qui ? 

Le Service d’Archéologie Départementale 

Contexte de la découverte

Une opération de fouille archéologique préventive a accompagné les travaux de restauration des fortifications du bastion d’Hiers sur la place forte de Brouage durant l’été 2023 (photo ci-dessus). Les archéologues ont fouillé, étudié, enregistré près de 600 ml d’élévation de la muraille et ouvert des tranchées de diagnostics dans l’épaisseur du rempart du bastion tourné vers la terre. De nombreux vestiges, dont plusieurs objets en lien avec la vie quotidienne des occupants du corps de garde du bastion ont été mis au jour. 

L’objet 

L’archéologue œuvrant à Brouage est habitué à étudier des artefacts provenant de fosses ayant servi de dépotoir, comme des tuyaux de pipe, des clés ou des pièces de monnaie. Davantage que l’objet lui-même, ce qui nous intéresse ici est l’absence d’objet.

© Departement17

une fosse, pour quoi faire ?

En effet, si une fosse ne sert pas à enfouir des déchets, c’est qu’elle a été immédiatement utilisée pour un autre usage. On pense notamment aux fosses de plantations viticoles (pieds de vigne) arboricoles (arbres fruitiers) ou sylvicoles (plans forestiers). Elles sont généralement quadrangulaires et mesurent entre 1,20 et 1,50 m en tous sens. Leur profil est droit ou légèrement concave. Leur point commun est un comblement homogène le plus souvent dénué d’artefact.
Des fosses de ce type ont été mises au jour à l’occasion des travaux de reprofilage du talus du rempart de Brouage. Elles étaient complétement enfouies sous près de 1 m de terre. Il ne s’agit pas de traces de souches d’arbre mais bien de fosses régulièrement espacées, aux parois très rectilignes, dans lesquelles de jeunes arbres ont été plantés. Situées à l’ancien emplacement de la crête de feu du rempart de Pierre d’Argencourt, elles sont les témoins de la reconfiguration du talus et de la plantation d’arbres sur son rebord par l’ingénieur de Vauban vers 1688. 
Les arbres et les remparts sont liés par l’histoire. Les massifs de terre et les plantations associées constituaient une meilleure défense que les maçonneries en pierres et en briques. Le frêne (Fraxinus sp.), l’orme (Ulmus sp.), le saule (Salix sp.), le chêne (Quercus sp.) et le bouleau (Betula sp.) étaient plantés suivant des alignements sur le haut des remparts des citadelles de Vauban, comme en témoignent les plans et les maquettes (photo ci dessous). Les plantations ont été utilisées de façon réfléchie, à des fins de protection, de défense ou de camouflage.  Les frondaisons des arbres permettaient de masquer les bâtiments et les canons postés sur les remparts à la vue des assaillants, d’offrir des abris aux tireurs et de dissiper la fumée des canons. L’utilisation de l’orme est une constante sur le site de Brouage, comme sur la Citadelle de Lille. Les plants étaient produits sur place dans la Pépinière Royale.

Les derniers ormes de Brouage, descendants des spécimens d’origine, ont disparu, victimes de la graphiose. Leur dessouchage de 1982 a contribué à un affaissement irrémédiable du rempart. Conjointement à la restauration des maçonneries, les talus vont être reprofilés et replantés. Des ormes (résistants à la graphiose), des frênes et des tilleuls seront plantés après leur mise en nourrice dans la pépinière royale, réhabilitée pour l’occasion.

Les recherches archéologiques menées sur les fortifications modernes dans le département de la Charente-Maritime viennent, au fur et à mesure, apporter des compléments et des précisions sur cette période.

Légende illustrations : 
1.    Plan de Brouage en 1761, Centre documentaire du Syndicat Mixte de Brouage
2.    Plan relief de Brouage de 1703, Centre documentaire du Syndicat Mixte de Brouage et,Fosse de plantation dans la tranchée de diagnostic. Photo SAD