Trésor d'archéo : des sépultures mises au jour
Les fouilles préventives déclenchées sur le chantier de St-Saturnin-du-Bois l'été dernier, ont mis au jour des sépultures d’enfants. Au Moyen Âge, rappelons que la mortalité infantile était très élevée.
OBJET DU MOIS
Squelette d’un enfant
DATE ET LIEU DE LA DÉCOUVERTE
Octobre 2023, à Saint-Saturnin du Bois, rue de l’Eglise
PAR QUI ?
Le service archéologie du Département
contexte
Pour cet épisode nous ne vous présentons pas un objet mais un individu. De sa personnalité, de ses gestes, de ses traits, de ce qui composait la matière de sa vie, nous ne savons rien si ce n’est qu’il a vécu au XIe siècle (datation C14). Une fois dans la terre, une fois les siècles ayant érodé les chairs, les cercueils et les linceuls, les corps que les archéologues déterrent sont de la matière inerte, des objets d’étude comme les autres mais pas tout à fait.
Le squelette présenté ici est celui d’un enfant inhumé dans la fosse SP 1024. Cette fosse appartenait à un ensemble plus vaste, celui du cimetière jouxtant l’église paroissiale de Saint-Saturnin-du-Bois. Chaque fosse sépulcrale, chaque sarcophage mis au jour durant l’opération préventive a fait l’objet d’une fouille minutieuse. Une fois le dégagement des dispositifs et de leurs occupants terminé, une couverture photo détaillée et le recueil d’un maximum d’informations ont pu être effectués.
Grâce à la lecture des mouvements osseux et des dynamiques de dépôts sédimentaires, l’archéo-anthropologue en charge du prélèvement du squelette a pu déterminer les modes d’inhumation mis en place au moment des funérailles.
Ici, l’enfant était très vraisemblablement enveloppé dans un linge de type linceul avant d’être déposé dans un coffrage fait de bois. Il était profondément enfoui, à 1,20 m sous le niveau de voirie actuel, dans une fosse mesurant 96 cm de longueur pour 40 cm de largeur en moyenne. Il reposait sur le dos, ses membres inférieurs en extension et ses mains ramenées sur le bassin.
Comme la grande majorité des sépultures chrétiennes, sa tête était disposée à l’ouest afin, le jour du Jugement Dernier advenu, de quitter son enveloppe de terre en se trouvant directement face à la Jérusalem céleste.
Une fois les ossements extraits de terre, nettoyés puis inventoriés, ils ont pu être étudiés afin d’établir un profil biologique de l’individu.
Ici, il s’agissait d’un enfant dont l’âge au décès a été situé entre 3,5 et 5,5 ans d’après sa croissance dentaire. Son sexe n’a pas pu être établi car avant la puberté, le dimorphisme sexuel n’est pas suffisamment prononcé sur les squelettes.
Deux petits os surnuméraires ont été observés le long de la suture crânienne à l’arrière de sa tête (suture lambdoïde). Ce caractère discret a été observé sur trois autres individus du même ensemble funéraire, suggérant un possible lien familial.
Il ou elle mesurait environ 84,5 cm, ce qui indique des retards de croissance relativement importants puisqu’un enfant de cet âge devait mesurer entre 1 et 1,12 m environ. Si sa taille exacte n’a pas pu être estimée, il apparaît que son squelette présentait d’importants retards de croissance pour son âge. Du reste, une porosité anormale de ses cavités orbitales (cribra orbitalia) suggère des épisodes d’anémies sévères. L’intérieur de son crâne montre également des traces de méningite, sans qu’il ne soit possible d’établir de lien avec le décès de ce très jeune individu.
Inhumé a priori dans les premiers siècles du Moyen Âge, cet individu est un témoignage direct de la dureté d’époques antérieures où la mortalité infantile était importante.
Les données paléodémographiques à notre disposition indiquent que jusqu’au XIXe siècle, la mort frappait sévèrement, et plus particulièrement les enfants. Un individu sur quatre atteignait la première année et seul un individu sur deux atteignait la vingtaine. Des épisodes de carences importantes couplés à une inconnaissance des principes de contagion et de prophylaxie rendaient les épisodes épidémiques particulièrement rudes pour ces populations. Ce sont les progrès techniques et médicaux, l’arrivée de la vaccination et des premières mesures d’hygiène d’envergure qui auront permis un net recul de la maladie et de la mort dans les premières années de la vie.
Au Moyen Âge, l’omniprésence de la mort dans les jeunes années de la vie ne rend pas sa survenue moins tragique. La perte d’un enfant représentait un drame et l’on peut imaginer que celui de la sépulture SP 1024 a été accompagné dans la mort, au travers de rites funéraires encadrés par l’église et sa famille. Enveloppé d’un linceul et soigneusement disposé dans sa tombe, il a ainsi fait l’objet d’un traitement funéraire et d’un soin similaires à ceux du reste de la communauté.
Nota Bene : Les sépultures que nous mettons au jour le sont en amont à des aménagements destructeurs (ici installation du tout à l’égout) qui causeraient la perte irrémédiable des tombes et de leurs occupants. Qui plus est, la fouille archéologique n’est pas une violation de sépulture en vertu de l’article 225-17 du Code pénal puisque la fouille est dictée par une intention scientifique. Notre intervention « sauve » les vestiges en sus de nous apporter des éclairages supplémentaires sur notre passé et la gestion des morts par les vivants au cours de l’histoire. Une fois étudiés, les squelettes sont préservés dans des réserves d’État à des fins conservatoires, de ré-étude scientifique ou plus rarement et sous contrôle de l’état en vue d’être réinhumés.